L’actualité a braqué ses feux sur la rémunération des hauts dirigeants. Certes le problème est sérieux, car il pousse à amalgamer quelques dysfonctionnements dommageables à des comportements qui ne méritent pas d’opprobre et il révèle les faiblesses d’une gouvernance où la décision des pairs l’emporte sur celle de l’actionnaire. Mais l’arbre de certains excès tend à cacher une forêt d’évolutions moins médiatisées, dont l’importance stratégique à moyen et long termes pourrait se révéler plus lourde et moins simple à résoudre.

Ces évolutions concernent le rapport entre l’offre et la demande de cadres dirigeants. Au cœur des processus de recrutement de ces derniers, le chasseur de tête est un observateur privilégié. Il peut en effet facilement identifier les divers paramètres – et leurs variations – qui conditionnent la décision d’un recruteur et d’un candidat de travailler ensemble. Ces données sont d’autant plus pertinentes lorsqu’elles sont enrichies, comme c’est le cas pour le cabinet BHC (Best in Human Capital), de la connaissance des pratiques de leadership dans les équipes dirigeantes.

Un paysage en cours de transformation

L’analyse de ces différentes informations conduit à constater que les lignes sont en train de bouger et que le paysage figé par les mois de crise traversés par la plupart des entreprises est en cours de transformation.

Jusqu’ici, les entreprises ne rencontraient aucune difficulté à séduire des candidats confrontés à la nécessité de trouver ou de retrouver rapidement un poste, souvent au prix de quelques concessions quant à leurs prétentions en matière de rémunération et de contenu ou de conditions d’exercice de leurs responsabilités.

Aujourd’hui, il semble que cette position de faiblesse relative des candidats s’améliore et qu’ils puissent davantage fonder leurs choix sur des critères liés à la qualité et au sens de leur vie professionnelle. Comme s’ils pensaient que l’heure était venue de passer d’une parole lénifiante sur le bien-être au travail à la mise en pratique.

L’influence de la qualité du capital humain sur la performance

En effet, ils sont de plus en plus nombreux à intégrer la probabilité d’une fin de crise et l’influence croissante de la qualité du capital humain sur la performance.

Anticipant ainsi le retour d’opportunités que la crise avait raréfiées, ils expriment davantage d’exigences.

Tout d’abord au niveau de leurs rémunérations, dont ils souhaitent qu’elles contiennent des dispositions qui leur donneront accès à une partie des profits à venir.

Mais également dans des domaines souvent sacrifiés par la priorité donnée par les entreprises à la maitrise de leurs coûts et à l’amélioration de leur productivité. La performance économique ne suffit plus à porter l’attractivité d’un recruteur ; elle doit se conjuguer avec des critères qualitatifs tels que le respect de l’éthique, l’attention portée à la demande d’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle des collaborateurs, la réponse aux attentes des parties prenantes et la préservation de l’environnement.

Les signaux faibles de tendances durables ?

L’analyse de ces demandes de changement est complexe, d’autant plus qu’elles devraient être amplifiées concomitamment par l’arrivée des jeunes générations au pouvoir, par l’invasion du numérique à tous les étages et qu’elles sont de plus en plus prises en compte par les fonds d’investissements.

L’enjeu pour les recruteurs est de savoir si ces signaux faibles sont annonciateurs de tendances durables, ou s’ils ne sont que les énièmes soubresauts d’un modèle de management qui n’en finit pas de chercher de nouveaux repères et de nouvelles perspectives.