Le terme «empowerment», qui signifie littéralement «renforcer» ou «acquérir du pouvoir», ponctue les programmes de la Banque mondiale ou de l’ONU. En France, il est le leitmotiv de la politique dans les quartiers populaires et a fait l’objet d’un colloque de l’Ecole nationale des travaux publics. Ce qui a vraiment opéré le basculement de l’empowerment vers un discours marketing, c’est l’explosion d’Internet et la révolution du rapport entre le client et les marques. Depuis une dizaine d’années, l’individu connecté a plus de pouvoir : assis devant son clavier, il peut comparer les prix, passer commande à l’autre bout du monde, construire et entretenir son réseau social, amoureux ou professionnel, soutenir et financer un projet – et s’il daigne se lever jusqu’à ses fourneaux ou son tapis de gym, il peut aussi apprendre à cuisiner ou participer à un cours de yoga. Dans un contexte de crise, les acteurs institutionnels et les marques n’ont guère d’autre solution que de prendre acte de cette résurgence d’autonomie. En quelques années, elles ont transformé l’empowerment en un argument de vente béton, resservi à toutes les sauces. Constatant que l’empowerment du consommateur se double souvent d’une perte de repères et d’une quête identitaire (que choisir quand tout est possible ?), certaines marques travaillent leur propre empowerment. Elles affichent leur vision d’un monde amélioré et se positionnent en guides partenaires, parfois à la limite de la secte, dans le cas d’Apple, qui exige de ses clients qu’ils«pensent différemment» («Think different»). Elles développent des slogans de coachs :«Find your greatness» pour Nike,«Love your imperfections» pour Meetic ou, plus récemment,«Find your magic» d’Axe, qui encourage chaque jeune à «révéler ce qui le rend unique» (et prétend qu’un grand nez est plus sexy que des abdos en béton…). Pour flatter le client tout-puissant, une autre stratégie consiste à se présenter comme agnostique, à clamer son droit à l’erreur. Dans la même logique de soumission maximale aux désirs du consommateur, certaines marques tentent l’hyper-personnalisation avec la géolocalisation pour pousser des opérations promotionnelles au moment où les clients passent devant l’enseigne, ou la proposition de découverte de produits cohérents avec de précédents achats… Si l’empowerment se transforme en enfermement de l’individu dans son propre algorithme, à quoi bon ?

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